Le monde célèbre ce samedi 19 juin la journée de lutte contre la drépanocytose, appelée Anémie SS. Cette maladie génétique du sang aux complications diverses et permanentes qui touche une proportion non négligeable de la population mondiale en générale, et congolaise en particulier est devenue un problème majeur de santé publique qui nécessite des mesures contraignantes pour la prévention.
Pour le Docteur Bernard Masikini, Médecin Directeur du Centre de Médecine Mixte et d’Anémie SS situé dans la commune de Kalamu à Kinshasa, le pouvoir public doit voter une loi qui oblige toute personne qui veut s’engager dans le mariage de connaître son état d’hémoglobine.
Maladie génétique du sang, héréditaire et rare, mais grave, invalidante et mortelle, réduisant considérablement l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes, la drépanocytose connue sous le nom d’anémie SS, est reconnue depuis décembre 2008 comme une priorité de santé publique par l’organisation des Nations Unies, le 19 juin étant une occasion de sensibiliser davantage le grand public à cette maladie et à son traitement.
Depuis 2009, cette maladie génétique la plus répandue à la surface du globe, touchant environ 500 millions de personnes, originaires pour la plupart d’Afrique, du sous-continent indien, de la Caraïbe et du Brésil, figure parmi les priorités de l’OMS pour la zone Afrique et occupe le quatrième rang dans les priorités en matière de santé publique mondiale, après le cancer, le sida et le paludisme. Il a été noté selon les statistiques que 1000 bébés naissent tous les jours atteints de drépanocytose en Afrique et meurent au plus tard à l’âge de cinq ans.
Caractérisée par des crises vaso-occlusives à répétition, l’anémique – SS est sujet à d’indescriptibles et intolérables souffrances, des douleurs handicapantes exigeant des transfusions et l’administration d’antalgiques de plus en plus corsés (opiacés, morphine), tout un calvaire en héritage. Evelyne Placidoux, la trentaine révolue, drépanocytaire et mère de deux enfants nous témoigne de sa souffrance.
« Tous les jours c’est un combat pour moi. Mon enfance n’a pas été rose (rire), mon enfance n’a pas été heureuse, dans ce sens là du coté de la maladie elle n’a pas été rose du tout, parce que tout le temps j’étais hospitalisée. Mais quand je dis tout le temps, c’était tous les mois. Je ne pouvais pas aller à l’école comme tous les enfants, je ne pouvais pas faire des activités sportives comme tous les enfants, je ne pouvais pas faire des sorties scolaires comme tous les enfants, etc. Une année c’est 365 jours, c’est 12 mois par an, je passais 10 mois, 11 mois à l’hôpital. Je dois tout le temps me couvrir, je ne dois pas me fatiguer, je ne dois pas stresser, je ne dois pas non plus me mettre en colère, je ne dois pas me baigner à la rivière, je ne dois pas m’essouffler, beaucoup de choses que je ne dois pas faire malheureusement ».
En République démocratique du Congo la situation de la drépanocytose aujourd’hui est si alarmante, d’autant plus que les mariages se contractent, sans que les conjoints procèdent à certains examens, parmi lesquels l’électrophorèse. Ce dernier permet de déterminer les possibilités ou risques de possibilité d’anémie SS ou AS. Car si deux fiancés sont AS, ils doivent sérieusement examiner la situation et prendre une décision, beaucoup de couples ont divorcé à cause de la présence d’un ou plusieurs enfants SS dans le ménage. Plus tôt l’examen sera fait, moins douloureux sera le renoncement au mariage.
17 Juin 2021, nous sommes au Centre de Médecine Mixte et d’Anémie SS (CMMASS), le Docteur Bernard Masikini dirige ce centre communément appelé Hôpital Mabanga à Yolo-Sud dans la commune de Kalamu à Kinshasa, la seule structure publique qui prend en charge les drépanocytaires. Médecin Directeur, il nous fait savoir que la prise en charge médicale de ces malades nécessite 1. 000 USD par an, et pourtant le pouvoir d’achat du Congolais moyen oscille entre 30 et 50 USD par mois, soit 630 à 600 USD par an.
« Au niveau de la famille il y a parfois de rejet. La drépanocytose est une maladie qui peut déstabiliser la famille, sur le plan économique c’est une maladie qui ne coûte pas moins de 1.000 dollars par an. Mais pour ceux qui font régulièrement des crises, en tout cas c’est beaucoup plus encore. Comprenez que c’est une maladie appauvrissante qui peut avoir des répercutions sur la scolarité des autres enfants en famille par exemple, parce qu’on manque des moyens ».
Une maladie génétique héréditaire due à une anomalie de l’hémoglobine, la drépanocytose est caractérisée par une mutation de la forme du globule rouge, passant d’une forme lisse et circulaire à une forme en croissant, pouvant entrainer le blocage de petits vaisseaux sanguins et une altercation du flux sanguin, entrainant une réduction de la survie des globules rouges et anémie subséquente.
« Il peut aussi faire des complications rénales et aller jusqu’à l’insuffisance rénale. Au niveau génital, il peut avoir le priapisme, une érection prolongée du pénis et douloureuse, généralement sans envie sexuelle, c’est connu chez les drépanocytaires. Et on peut descendre plus bas jusqu’au niveau des os, au niveau des articulations ils font facilement des complications, etc. », nous fait savoir le Docteur Bernard Masikini.
Mais de plus en plus les jeunes se passent de l’électrophorèse avant d’envisager des fiançailles, que faire concrètement pour éviter les couples que d’aucuns qualifient de couples kamikaze ?
Selon les spécialistes, les faibles taux d’oxygène dans le sang et le blocage des vaisseaux sanguins résultant de la drépanocytose peuvent entrainer des douleurs chroniques graves, des infections bactériennes graves et la mort des tissus.
« Nous aimerions que le pouvoir public arrive à imprimer un caractère contraignant, c’est à dire en votant une loi qui oblige toute personne qui veut s’engager dans le mariage de connaître son état d’hémoglobine. Parce que de cette façon là, au moins nous pourrons faire un grand pas dans la prévention de la drépanocytose », recommande le Médecin Directeur de l’hôpital Mabanga, Docteur Bernard Masikini.
Dans l’entretemps, pour prévenir la maladie chez les drépanocytaires, il est indispensable de se faire consulter chaque mois au centre de santé même en dehors des crises, éviter les endroits mal aérés, bien se laver le corps et brosser les dents pour éviter les infections. En attendant la thérapie, certains font un échange transfusionnel toutes les 5 semaines, question de remplacer ses globules rouges malades par des sains. Ce traitement est indispensable pour de nombreux malades.
Eric Musumadi, Santénews.Info