Rare dans cette région rouge de l’Est de la République Démocratique du Congo, la prise en charge de femmes victimes des fistules et des complications gynécologiques pose problème, en raison des exactions des groupes armés dont les combattants violent les femmes.
En bon samaritain, une équipe de spécialistes venus de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu ont soignées plus d’une centaine de ces femmes à l’hôpital général de référence de Beni.
Selon les responsables sanitaires locaux, plusieurs cas de fistules sont rapportés dans la zone sans être pris en charge.
Un sourire sur le visage de Carine, elle est alitée toute la journée à l’hôpital. Des linges et draps couvrent ses jambes. La jeune femme souffre de fuites urinaires.
Dans cet hôpital, elle s’est armée de patience pour voir le médecin. Carine est un nom d’emprunt, elle préfère cacher son identité après avoir été violée dans son champ. A l’époque, elle n’avait que six ans, et depuis 12 ans elle souffre de fistule vésico-vaginale. Sa mobilité est réduite.
« Ma grand-mère m’avait envoyée au champ à la recherche de bois de chauffage. Mon grand-père et mon oncle paternel qui étaient déjà dans le champ m’avaient violée. J’avais dit à personne. Trois jours plus tard, je m’étais rendue compte que mes organes génitaux n’étaient plus comme avant. J’avais commencé à avoir des fuites urinaires et je ne me rendais compte de la situation qu’après que mon lit a été mouillé ou alors la chaise sur laquelle j’étais assise. Avant, je marchais normalement, mais en sixième primaire, j’avais perdu l’usage de mes jambes. C’est pour cela que je suis venue ici », témoigne Carine d’un ton tremblant.
Dans la salle d’isolement à l’hôpital général de Beni se trouvent aussi une vingtaine d’autres femmes qui tiennent pour la plupart des sceaux à la main. Ces femmes souffrent des fistules obstétricales. Nairobi, l’une d’entre elles, a déjà été répudiée par son mari.
« Le jour où ma maladie a commencé, mon mari a commencé à aller voir ailleurs. Il m’a laissée à la maison, voyant que je n’avais pas assez de force pour être intime avec lui. Il m’a négligée et ne s’est plus occupé de moi à cause de cette maladie. Il a décidé de prendre une autre femme, avec laquelle il vient de totaliser 5 ans. Quand il vient chez moi, c’est juste pour dire bonjour et partir. Il ne passe plus son temps à la maison », explique Nairobi.
En l’absence des spécialistes pour la prise en charge, ces cas inquiètent le responsable de l’hôpital: « La réparation des fistules ce n’est pas l’apanage de tout le monde, c’est une des raisons qui font que nous puissions toujours demander à ce que les spécialistes viennent », note le docteur Jeremy Muhindo, médecin directeur de l’hôpital général de Beni.
Pour cette nouvelle campagne, au moins 120 malades devraient être prises en charge par les spécialistes venus de l’hôpital Heal Africa de Goma. Les soins sont gratuits. Le gynécologue Barthélémy Aksanti fait partie de la délégation.
«Ce sont des femmes qui ont longtemps souffert de complications liées aux accouchements des fistules, ça peut être aussi consécutif à des violences sexuelles, il y a des cas qui ont été rapportés. Chaque jour nous sommes ici pour opérer les malades gratuitement, et pendant leur séjour ici à l’hôpital nous nous chargeons de leur restauration et de toute la prise en charge dont elles ont besoin », déclare le gynécologue de Heal Africa, Barthélémy Aksanti.
La RDC compte plus de 42 000 femmes affectées par les fistules obstétricales. Des chiffres de l’office du Prix Nobel de la Paix, le docteur Dénis Mukwege, qui ne cesse d’exiger protection, soins et justice pour les victimes.
ACTUALITE.CD/SANTENEWS